Travail en liberté ?

Dans certaines méthodes comportementales, le travail en liberté est l'aboutissement de longues heures de préparation à la longe. On « vérifie » ensuite que le cheval a bien compris tout le conditionnement préparatoire en enlevant la longe.

En général on met tous les atouts de son côtés en commençant dans un rond de longe (un enclos rond d'environ 18m de diamètre pour ceux qui ne connaissent pas).

 

Le cheval n'a donc pas vraiment de solution pour s'exprimer, dans le rond sa capacité à fuir est très réduite. La plupart des chevaux se plient donc rapidement au travail « en liberté » imposé par ce petit espace... Ou sortent du rond avec pertes et fracas pour d'autres... Ce qui explique peut-être que certains ronds sont des espèces d'Alcatraz infranchissables pour que surtout Jojo-à-sabots reste à l'intérieur à tout prix.
En même temps il doit être bien bargeot pour vouloir sortir parce que la liberté c'est trop cool ! Donc autant l'enfermer avec une barrière de 2m50 hein.

En cas de "déconnexion" du cheval (si le conditionnement préalable à la longe n'est pas suffisant), soit on remet la longe et on re-re-re-re-répète (attention à ce que le cheval ne profite pas d'un instant d'inattention pour mourir d'ennui ou se pendre avec son licol étho), soit on va rendre la "déconnexion" inconfortable. On va donc rajouter de la pression au cheval, pour lui expliquer gentiment qu'il doit rester avec nous, que c'est beaucouuuuup plus confortable que de partir.

 

Liberté conditionnelle en somme !

 

Cheval qui se déconnecte = panpancucul (appelé de façon politiquement correcte phase 4) / Cheval qui reste gentiment à faire ce qu'on lui demande = ben il reste gentiment à faire ce qu'on lui demande. En théorie.

 

Certains vont effectivement reproduire leurs gammes sans rechigner, si on récompense au bon moment, qu'ils se résignent, ou même qu'ils trouvent ça chouette (il y en a hein, j'ai un exemplaire noir et joufflu à la maison super motivé). Les autres, vont se "déconnecter" de plus en plus, jusqu'à être plus dans la fuite de leur bipède durant les séances que dans une réelle coopération.
Dire qu'on est au coeur d'un conflit à ce moment là est un euphémisme... Paradoxal quand ce moment est censé célébrer la relation entre le cavalier et son cheval.

 

J'ai connu ce cas avec ma jument Roxane : qui exécutait parfaitement bien les exercices à la longe, mais dès qu'on était dans un grand espace pour la liberté, partait en général plein cul assez vite.

Tu veux un feedback de ta relation avec ton poney : c'est cadeau !

J'avais fini par plus ou moins abandonner l'idée de faire de la liberté avec elle, préférant ranger mon ego dans ma poche plutôt que de lui ̶z̶é̶b̶r̶e̶r̶ ̶l̶e̶s̶ ̶f̶e̶s̶s̶e̶s̶ ̶à̶ ̶c̶o̶u̶p̶s̶ ̶d̶e̶ ̶s̶t̶i̶c̶k̶ rendre la fuite inconfortable.

 

Puis j'ai changé totalement ma façon de travailler : Je ME suis connectée à mon cheval, et j'ai continué de récompenser les choses qui me plaisaient, et/ou les efforts de mon cheval.
J'ai travaillé avec le moins de pression possible, le moins de conditionnement possible, et surtout, j'ai accepté que mon cheval a le droit de partir si il le souhaite.

 

Parce que la liberté, en soit, c'est pouvoir faire ce qu'on veut, non ?? Etre libre ne devrait pas être soumis à conditions... sinon CE N'EST PAS DE LA LIBERTE.

 

Souvent les cavaliers veulent une belle relation avec leur cheval. On a envie que notre cheval soit notre ami. Si mon ami n'a pas envie de faire une activité avec moi, est-ce que c'est juste de lui mettre une pression (physique/mentale) pour qu'il me cède ?

 

Exemple : Gilbert veut aller au PMU avec son pote Roger. Roger a la méga flemme, et en plus il doit faire la vaisselle. Il dit non à Gilbert.
Gilbert lui dit : "si tu ne viens pas avec moi au PMU, je dirais à ta femme (Josette) que tu as dépensé 200€ en bières la semaine dernière ! Mais si tu viens je te payes un coup à boire !"

--> Roger cède à la menace, il suit Gilbert au PMU. Taux réel de sympathie de Gilbert par rapport à Roger : -1000 à mon avis. En réalité Roger n'a peut-être pas la même impression, il a quand même gagné un coup à boire... ça s'appelle tout simplement de la manipulation.

En tout cas avec les chevaux on appelle pas ça comme ça, donc o̶n̶ ̶s̶'̶e̶n̶ ̶f̶o̶u̶t̶ ça va.

 

Nous lui proposons un "programme" à faire ensemble, mais on ne peut pas exiger du cheval qu'il n'obéisse pas "sous peine de...". Ou dans ce cas on assume totalement, et dans ce cas on ne cherche pas à s'en faire un ami ou un partenaire mais un esclave soumis qui ne nous conteste jamais.

Scoop !!! : très peu d'amitiés/partenariat naissent ou durent de cette façon.
Personnellement je n'ai pas envie d'un "partenariat" où c'est tout le temps l'autre qui décide pour moi (à son avantage).

En réalité, il est possible de travailler en liberté avec son cheval, même dans un grand espace. Il suffit pour cela de lui accorder cette liberté justement : lui laisser donner son avis, le laisser choisir aussi (pas juste une fois pour la forme).

 

La seule contrainte que j'ai gardée, c'est de travailler dans un enclos. En l'occurrence il s'agit pour moi d'une carrière 25x60m, si mon cheval décide de faire l'hélicoptère, ou de rester bloqué à la porte, ou en direction des des copains, comme ça arrive parfois, je ne peux pas y faire grand chose, donc j'écoute ce qu'il a à me dire, et je m'adapte

 

Il peut m'arriver de travailler dans un espace plus petit si le cheval a besoin d'être canalisé (trop d'énergie / problème de comportement / autre), mais jamais dans un rond, et généralement je fais un « enclos dans l'enclos » de 20x30m, facilement franchissable. L'idée n'est pas d'apprendre au cheval à franchir les clôtures, mais encore une fois qu'il puisse donner son avis, sur le lieu, la séance, l'instant T. Et savoir qu'on a une bête ficelle à 90 cm est censée contenir Jojo impose une réelle politesse au bipède.

 

Pour finir ma petite histoire : Roxane a retrouvé de la motivation a travailler avec moi en liberté, une expression beaucoup plus positive (non les oreilles en arrière ne sont pas signe de "concentration"), et nous n'avons plus de conflits.
Notre travail est devenu 1000 fois plus technique, subtil et intéressant, son physique s'est grandement amélioré.

Elle s'exprime réellement car elle sait qu'elle en a le droit et sera écoutée. Et son désaccord a TOUJOURS une vraie raison d'être : ce que je lui demande est dur pour elle physiquement, ou je ne suis pas assez présente et je me déconcentre, l'exercice s'éternise alors qu'elle m'a déjà donné ce que j'attendais, bref ce n'est jamais gratuit !

 

Parfois elle suit mon idée, parfois je suis la sienne ! Ne serait-ce pas ça la vraie liberté ?

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Commentaires: 1
  • #1

    Aude chevallier (dimanche, 25 juin 2017 01:23)

    Superbe rencontre avec Sophie, stage riche d enseignements, j'y ai trouvé exactement ce que je cherchais.
    Je recommande vivement .
    Un respect envers les chevaux et les humains comme peu savent le faire.
    À très bientôt Sophie pour de nouvelles séances !!
    Aude